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Les Contrées du Rêves
24 juillet 2004

Toujours à Rishikesh ...

Namaskar,

   L'Inde recèle bien des surprises. Chaque jour qui passe est pour nous l'occasion d'élargir nos connaissances sur la faune et la flore. Je dois avouer que nous sommes tout spécialement préoccupés par la vie des insectes tant leur présence est incontournable. Au rang des curiosités locales, nous avons tout particulièrement été surpris par la variété inimaginable de nos amies les araignées avec une nette préférence pour l'araignée-sauteuse-naine-noire-à-bandes-blanches-et-à-grosses-mandibules (en même temps il semblerait qu'ici toutes les variétés d'araignées aient des mandibules disproportionnées :s ). Nous avons aussi été passablement émus par la grosse-guêpe-orange-fluo-plutôt-agressive, les fourmis-géantes, et leurs cousines plus chanceuses les fourmis-géantes-volantes. Mais le moment fort de notre voyage reste pour l'instant (et je l'espère pour longtemps) le cobra dressé du charmeur de serpents (à vous couper les jambes) Et la liste n'est pas exhaustive. Vous l'aurez compris le bestiaire de l'Inde dépasse l'imagination des pauvres occidentaux que nous sommes.

Sinon donc, comme je vous disais précédemment nous sommes partis avec Jean et Flo faire un tour de moto à Haridwar pour le coucher du soleil (ville sacrée de l'Hindouisme à 25 km en aval de Rishikesh). Car c'est à ce moment là qu'une foule de pélerins hindous (plusieurs milliers) se réunissent sur les Ghats du bord du Gange pour honorer le fleuve. Nous sommes donc arrivés là-bas, toutes motos pétaradantes afin d'aller nous aussi honorer Mata Ganga (Mère Gange). Après un Pepsi pour nous remettre l'estomac d'aplomb, nous sommes allés acheter pour 5 modiques roupies, un panier de roses et de fleurs diverses avec une mèche à l'intérieur et quelques carrés de camphre. Nous nous sommes dirigés vers les Ghats escortés par des Brahmanes vénaux, qui désiraient sincèrement, moyennant finance, nous initier à la cérémonie. Nous avons donc sauté à l'eau avec nos paniers fleuris (bucolique, non ?) et répété inlassablement les mantras à peine comprehensibles des brahmanes zélés. Malgré la cohue ambiante, j'ai vraiment trouvé le moment magique. J'ai eu un petit pincement au coeur quand j'ai vu mon panier avec la petite flamme que j'avais allumé en son centre être emporté par le courant du fleuve, même si je dois avouer qu'il a dû couler 20 mètres plus loin ... J'ai ainsi demandé au Gange de s'assurer de la prospérité de ma petite famille (mes grands-parents, mes géniteurs, ma chère soeur n'ont plus de souci à se faire).

   Mais bon, au final la prospérité a un coût, comme tout en Inde ... aussi modique qu'il soit. Mon mantraavadi (réciteur de formules magiques) m'a alors fait remarqué que quand j'avais promis de donner 50 roupies pour la récitation des formules sacrées, il avait "omis" de mentionner que c'était par tête et qu'ils étaient 5 avec lui .... grrrr .... j'ai finalement réussi à marchander 200 roupies pour le tout, légérement énervé. Ca c'est l'Inde du quotidien, les indiens essayent de vous faire cracher pour n'importe quoi en vous assurant toujours que c'est gratuit. Ici, la parole n'a aucune valeur, c'est bon à savoir ... étrange paradoxe pour un pays où la parole est considérée comme sacrée ... on est plus à un paradoxe près ... Malgré cette petite déception typiquement indienne, la cérémonie est grandiose et émouvante. Mais le parcours du combattant n'est pas terminé pour autant, en remontant un autre brahmane nous raquette encore quelques dizaines de roupies pour nous mettre un bracelet de cordelettes et nous barbouiller de sindour et de safran entre les deux yeux, à l'endroit - supposé - du tant recherché troisième oeil.

   Nous avons ensuite regagné les motos, le coeur léger et le porte feuille aussi par la même occasion. Le retour à Rishikesh s'est avéré des plus trépidants. Autant l'aller s'était déroulé assez calmement (c'est relatif en Inde vu la circulation), autant au retour j'étais content de n'être que passager. La nuit commençait à tomber, et bien évidemment ici, les phares, on connait pas, ou du moins on s'en sert pas ... Pour les véhicules qui ont la chance d'en avoir et surtout de les utiliser, il faut encore que les deux fonctionnent (il est très fréquent en effet de prendre un camion ou un bus pour un scooter, pour s'apercevoir quand on commence à distinguer le parechoc qu'il s'agit d'un 3 tonnes qui n'a qu'un phare allumé). Sans compter les vélos, les charettes, les piétons, les gens qui discutent (on ne pense jamais assez à tailler une bavette sur la rocade toulousaine), les singes, et nos amies les vaches placides (qui n'ont toujours pas de phares elles non plus), rajoutez à celaun ciel des plus menaçant, zébré d'éclairs, la poussière de la route ... et j'en passe. Je crois, avec le recul, que là aussi c'était un moment très beatnick ... Finalement la pluie a attendu qu'on arrive à Rishikesh avant de tomber à bidons (ruelles de Rishikesh = mini torrents).

   Un peu fatigués et un peu malades, nous décidons de rester quelques jours de plus à Rishikesh pour récupérer. C'est l'occasion pour Florent et moi-même de faire une superbe balade. On décide de partir à moto découvrir un grand temple dédié à Shiva, perdu sur une montagne derrière Rishikesh. Je suis toujours passager mais je profite ainsi beaucoup plus du paysage. Celui-ci est somptueux. Nous traversons plusieurs vallées très encaissées, toujours aussi verdoyantes. En toute franchise, onne trouve pas de tels paysages même dans nos chères pyrénées. Pendant un moment la route surplombe le Gange qui, ici, ressemble plus à un énorme torrent qu'au vaste fleuve que l'on peut voir à Bénarès. En nous enfonçant dans les vallées, on découvre des ashrams à flanc de montagne, des pélerins qui se rendent au temple (20 km de montée tout de même !), des rizières, des temples ui surgissent au dessus de la jungle. Un spectacle grandiose. Par moment, on devinait même les hauts sommets himalayens entre deux vallées. Au bout d'une petite heure de trajet, nous arrivons au village où se situe le temple de Shiva. Ici, pas un seul blanc, que des Indiens, des pélerins, des sadhus. Arrivés au temple, après avoir parcouru un dédale de pieuses échoppes, des hindous viennent nous offrir du prasad (nourriture consacrée, en général délicieuse : noix de coco, miel, lait et amandes ... rien à voir avec l'austère hostie chrétienne ... les dieux hindous sont plutôt gourmands). Ils nous ont ensuite marqué le front avec du sindour, toujours avec beaucoup de respect, en nous demandant d'où on venait. Ils avaient l'air ravi de voir des français dans leur vallée sacrée. Ensuite nous buvons un tchai dans un boui-boui local et nous quittons rapidement les lieux pour éviter de rentrer avec la nuit. Avant de repartir, nous croisons trois vieux sadhus à qui nous donnons l'aumône (les sadhus ont renoncé à tout, ils sont errants et ne vivent que des dons des fidèles). Comme me le fait remarquer Florent, il n'y a qu'ici que l'on peut croiser de tels regards. Croiser le regard de certains de ces sages errants est un cadeau d'une grande valeur. Sans parler de leur sourire ...

   En quittant le village, le vombrissement de la moto était accompagné des cris des pélerins nous saluant : "Namaste!", "Namaskar!", et autres "Hari Om!". La descente dans les vallées encaissées et dans la jungle himalayenne est toute aussi magnifique qu'à l'aller. Le retour nous réserva cependant une surprise. A l'aller, nous avions remarqué parmi les pélerins qui descendaient du temple à pied, un jeune garçon qui faisait route seul. Au retour nous le dépassons à peine quelques centaines de mètres plus bas. Je fais remarquer à Florent que ça me rend malade de voir ce jeune garçon marcher pieds nus sur la route et les gravats au milieu de cette jungle pour redescendre sur Rishikesh (15 km plus bas) alors que la nuit menaçait de tomber. Et Florent me répond : "On n'a qu'à le prendre et le descendre!". Aussitôt dit, aussitôt fait, un demi-tour et nous voilà à sa hauteur pour lui proposer de le redescendre. En s'approchant on remarque qu'il se tient d'une drôle de manière. Il n'arrive pas bien à se situer, il a la tête baissée et le regard de travers. Il monte difficilement sur le porte bagage refusant de s'asseoir sur la selle avec nous. Ce garçon devait avoir quatorze ans et nous paraissait malade ou déficient mental, malgré ses habits de brahmane. Tout au long du trajet il reste penché sur le côté. A chaque cahot de la route on a peur qu'il ne tombe, Florent fait attention de ne pas rouler trop brusquement [Florent : une gageure sur cette route défoncée!]. Arrivés à Laxman Jhula (quartier nord de Rishikesh), nous nous arrêtons pour le déposer. Et là il nous demande, toujours sans relever la tête : "Laxman Jhula ?" On lui répond par l'affirmative et il entreprend de descendre de la moto. Visiblement c'est là qu'il se rendait. Comme il a un peu de mal, je lui tend ma mainpour l'aider et il s'y appuie fortement. A ce moment précis, Florent et moi-même réalisons que ce pauvre garçon n'est absolument pas déficient mental, mais simplement aveugle. Il devait être monté au temple de Shiva et devait redescendre en ville, 20 kilomètres plus bas. Au rythme auquel ce garçon descendait, il aurait passé la nuit et plus sur cette route perdue, perchée au dessus du Gange, au beau milieu de la jungle. Nous l'avons ensuite regardé s'éloigner en longeant les échoppes éclairées de la ruelle ...

Bises à tous
Alex.

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